Madame,
Lorsque vous êtes apparue aux côtés de François Hollande, après
qu’il eut quitté Ségolène Royal, les citoyens français ont accepté votre
présence, certains avec interrogation, d’autres avec un petit sourire, mais la
plupart avec gentillesse. En France, l’amour est roi et les nouveaux couples qui
se forment, surtout en politique, attirent plutôt la
bienveillance.
Nicolas Sarkozy avait bénéficié de cette même « grâce »
lorsque Cécilia était partie. Il s’en était expliqué, peut-être un peu trop, en
conférence de presse et s’était marié avec Carla Bruni. Autre temps, autre
mœurs, diriez-vous. Effectivement, qu’il s’agisse du général de Gaulle avec «
tante Yvonne », de Giscard d’Estaing et d’Anne-Aymone, de François Mitterrand et
de Danielle ou même de Jacques Chirac et de Bernadette, ces femmes versaient
plutôt dans le caritatif discret que vers l’émergence people tapageuse.
Il est vrai
cependant que la presse, pour François Mitterrand, a laissé tomber un manteau de
discrétion sur sa double vie qu’il n’a révélée qu’à ses dernières heures. Déjà,
il paraissait (mais qui a osé en parler ?) tout à fait anormal que sa deuxième «
épouse » et sa fille soient prises en charge par l’État : appartement officiel
sur le Quai Branly, voitures, chauffeurs, gardes du corps, cuisines et
cuisiniers.
Bref ! Les frasques de François Mitterrand, gardées
secrètes par des journalistes complices, ont coûté quelques 8 à 10 millions
d’euros au budget de l’État.
Carla Bruni n’a pas agi dans ce sens ni
Bernadette Chirac. Mais vous voilà arrivée et avec vous, comme le dit la gauche,
la modernité, ringardisant tout ce qui s’est passé avant.
Après tout,
François Hollande a le droit d’avoir comme amie qui il veut et le temps qu’il le
désire. Quant au titre de « première dame », il est usurpé. Ce statut n’existe
pas et a été monté de toutes pièces par des journalistes avides de sensationnel.
Vous n’avez, Madame, aucune existence légale d’autant plus que vous n’êtes ni
mariée, ni pacsée. Que dirait-on d’un président de la République qui
accumulerait les « premières dames » comme on accumule des amies ou des flirts
?
Vous avez néanmoins exigé d’avoir autour de vous une équipe
composée d’hommes et de femmes qui vous suivent, qui vous aident, qui
travaillent avec vous et qui sont payés par l’État. Au nom de quoi l’État
doit-il s’occuper de votre secrétariat pléthorique ? Ce n’est pas, je pense,
pour vous aider à écrire des articles dans votre journal « Paris Match
».
Voici un autre problème. Vous vous réclamez, à juste titre, du
statut de journaliste et vous désirez continuer à écrire. Au début de la
campagne présidentielle et même, si je ne me trompe, dès l’élection de François
Hollande, vous avez clamé haut et fort que vous ne renonceriez pas à écrire dans
l’hebdomadaire « Paris Match » et vous avez même annoncé que vous alliez
interroger les grands de ce monde pour faire des papiers de politique étrangère
! Journaliste oui, mais journaliste politique non !
Il me semble que
ce métier est incompatible avec la fonction que vous aimeriez avoir, même si
elle n’est pas officielle. Vous avez donc décidé de faire du journalisme de
bavardages pour bien montrer votre autonomie par rapport à votre ami François
Hollande. Vous avez néanmoins accepté, demandé, peut-être même exigé de
l’accompagner dans ses voyages officiels. A quel titre ? Simplement d’amie
!
Il y avait et il y a toujours un obstacle : Ségolène Royal ! Vous
ne la supportez pas, elle qui est pourtant mère des 4 enfants de François
Hollande. Il semblerait qu’à la Bastille, lorsque François Hollande a « claqué
une bise » sur les deux joues de Ségolène Royal, vous ayez exigé qu’il vous
embrasse sur la bouche pour montrer la différence de statut ! Cet acte était
sinon puéril du moins cruel.
Voici maintenant qu’en femme moderne,
vous tweetez. Vous avez réussi, par vos bavardages, à ébranler la campagne
électorale et à ridiculiser la France.
Ségolène Royal est candidate,
certes parachutée, en Poitou-Charentes. Elle affronte Monsieur Falorni, implanté
localement depuis de nombreuses années et ami de François Hollande. Il était
naturel que les caciques du Parti socialiste viennent à son secours, elle qui
avait été la femme candidate à l'élection présidentielle de 2007.
Il
était peut-être moins évident que le président de la République se mêle de ces
élections. En Président « normal », il avait annoncé qu’il n’y participerait
pas. Les Français avaient d’ailleurs compris que le petit mot de soutien à
Ségolène Royal était plus affectif que politique. Elle avait été sa compagne
pendant si longtemps.
Mais vous ne la supportez pas, taraudée par la
jalousie. Après le ridicule de « embrasse moi sur la bouche » que, semblait-il,
vous aviez prononcé, voici maintenant la trahison ! En effet, de quoi vous
mêlez-vous en soutenant Monsieur Falorni qui, au demeurant, reste très
sympathique ? Est-ce en tant que journaliste politique que vous prenez position
pour un candidat ?
Il s’agirait là d’une déviation intolérable de la
neutralité politique d’un journaliste. Voyez-vous Monsieur Jean-Michel Apathie,
Madame Ruth Elkrief, Monsieur Alain Duhamel prendre position pour qui que ce
soit ? Ils devraient rendre immédiatement leur carte de presse, s’inscrire à un
parti politique et ne plus parler. Certes, beaucoup de journalistes, beaucoup de
journaux, sont à gauche et l’ont montré lors de ces dernières élections. Mais
vous, Madame, journaliste à « Paris Match », vous n’auriez jamais dû prendre
position. Ce n’est donc pas comme journaliste que vous avez envoyé ce tweet,
vous êtes trop intelligente pour tomber dans un tel piège.
Est-ce
pour affirmer votre indépendance vis-à-vis de votre compagnon ? Peut-être aussi
pensiez-vous affirmer l’importance de la liberté de la femme ? Je ne le crois
pas non plus car je ne suis pas sûr que la liberté consiste à faire des gaffes.
Peut-être ce mot est-il trop faible ? Il s’agit d’une faute grave. En réalité,
vous ne pouviez pas imaginer une seconde que Ségolène Royal, élue, puisse un
jour arriver au fauteuil de présidente de l’Assemblée nationale. « Comment cette
femme, qui était avec mon ami auparavant, qui a vécu si longtemps avec lui,
peut-elle revenir en pleine lumière ? ».
Mais, pire encore, vous
imaginiez, dans vos rêves les plus épouvantables, dans les cauchemars les plus
terribles, les cérémonies officielles présidées par François Hollande
obligatoirement accompagné par Ségolène Royal, en tant que quatrième personnage
de l’État. Vous cauchemardiez à l’idée de voir ces grands dîners à l’Elysée, ces
dîners officiels où votre place était équivoque, alors que Ségolène, rayonnante,
aurait été proche de votre ami par la grâce du protocole. D’ailleurs, c’est pour
cette raison déjà qu’à La Rochelle, vous aviez exigé, semble-t-il, que François
Hollande parle de vous comme de « son unique amour ». Petite flèche empoisonnée
dans le dos de Ségolène Royal.
La France, par ce tweet, a été
ridiculisée dans le monde entier. Une si petite phrase ayant de telles
conséquences ! Vous avez non seulement desservi la France où vous n’avez aucun
rôle à jouer même si vous avez accompagné François Hollande dans ses voyages
officiels à l’étranger (ce qui, déontologiquement, diplomatiquement, était déjà
une extravagance), mais vous avez desservi le président de la République élu par
une attitude grotesque de femme jalouse qui se mêle de politique pour entraver
la carrière de son ami ou compagnon.
Vous avez ridiculisé et humilié les
femmes des autres présidents français qui, elles, faisaient de l’humanitaire.
Vous avez, semble-t-il, balayé d’un revers de la main ces actions remarquables
qu’elles avaient menées et, par conséquent, vous avez méprisé tous ceux qui, en
France ou ailleurs, ont consacré leur vie aux enfants, aux handicapés, à ceux
qui étaient atteints du SIDA, etc.
Bref, ce petit tweet de rien du
tout a été le révélateur, Madame, d’un malaise que les Français n’osaient pas
admettre, qui mélange la faiblesse du président de la République et la
méchanceté de sa compagne.
Acceptez, Madame, mes sentiments mêlés de
tristesse, de rage et de surprise.
Pr. Bernard DEBRÉ
Ancien Ministre
Député de Paris
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